Publié le Laisser un commentaire

Licence Art Libre

Je me souviens d’une longue discussion avec un de mes amis, artisan par conviction. Nous dissertions sur l’Art et plus particulièrement sur l’écriture, un verre de kir à la main. Une étrange coïncidence nous avait amenés à publier un livre le même jour.

Nous en sommes venus à aborder le fâcheux sujet du rapport entre l’Art et l’argent. À ce propos, je lui ai fait part de mon expérience, du refus systématique des grandes maisons d’éditions obnubilées par leur rentabilité, des éditeurs à compte d’auteurs, plus intéressés par le portefeuille des auteurs en mal de reconnaissance que par la qualité de ce qu’ils publiaient, et de l’imbroglio pour sortir de leurs contrats abusifs, puis, de la découverte de la littérature libre, des fameuses Licences Art Libre et autres Creative Commons. N’attendant aucune gloire ni fortune de mes écrits et séduit par cette philosophie d’ouverture, de partage, de liberté, je n’avais pas hésité une seconde à publier mes nouvelles sous Licence Art Libre. Un choix qui s’est avéré très bénéfique en nombre de lectures et retours constructifs.

Lui était plus radical. Il militait pour un Art exempt de tout rapport à l’argent et appelait Fric’Art la dérive financière de certaines œuvres. Il était contre le principe que l’on puisse gagner de l’argent avec ses œuvres. Pour lui, artiste n’est pas un métier, mais un état d’esprit. Un artiste est un voyageur, un défricheur, un ouvreur de nouveaux chemins. Être artiste, c’est apporter une contribution à l’humanité. Être artiste, répétait-il, c’est partir en migration vers un monde plus spirituel. Il n’était pas contre la vente d’un livre, d’un tableau, d’une statue, à partir du moment où le prix restait raisonnable, c’est-à-dire qu’il couvrait les frais de la matière première et de la fabrication. Mais en aucun cas le prix ne devait compenser le temps passé à la réalisation de l’œuvre en elle-même car, d’après lui, sa réalisation était une recherche, un épanouissement personnel. Quant aux œuvres qui se négocient en fonction de la notoriété de l’auteur, elles le rendaient furax. L’Art n’est pas réservé à une élite, encore moins dicté par de soi-disant critiques ! pestait-il. Pour toutes ces raisons, il avait fait imprimer ses livres auprès de l’imprimeur du coin et distribuait ses livres dans son atelier avec au dos la mention : « La duplication et la diffusion de ce texte à des fins humanistes sont totalement libres. Texte protégé par le bon sens. »

En fait, sans le savoir, il avait réinventé la licence Art libre.

Mon ami allait pourtant beaucoup plus loin, il prônait un Art anonyme, pour éviter les travers mercantiles actuels. Une œuvre de l’esprit n’appartient à personne, disait-il, elle doit rester anonyme. Là, nous n’étions pas d’accord. Le nom de l’auteur, ou son pseudonyme, me parait un bon repère pour faire un tri dans le nombre infini d’œuvres littéraires et leur qualité. Il permet aussi de révéler des affinités. Et puis, même s’il ne doit pas attendre un enrichissement matériel de ses écrits, un auteur peut légitimement en espérer une certaine reconnaissance. Mais peut-être suis-je trop terre-à-terre, ou simplement moins humble que mon ami pour me passer de cette reconnaissance. Peut-être n’ai-je pas atteint son niveau de sagesse…

En tout cas, pour des raisons différentes et avec un cheminement tout aussi différent, nous étions d’accord au moins sur un point. Un point essentiel : l’Art devait rester libre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *