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Le livre numérique est-il plus écologique que le livre papier ?

Un des principaux arguments du livre numérique est qu’il ne consomme pas de papier, donc qu’il ne participe pas à la déforestation, et aussi qu’il n’a pas besoin de transport polluant entre sa fabrication et sa lecture. Bref, il est présenté comme l’alternative écologique au livre papier.

Pourtant, si on considère la liseuse, nécessaire pour lire le livre numérique, le tableau devient moins idyllique. Car sa conception est loin d’être neutre du point de vue de l’environnement.

Le véritable enjeu est donc le suivant : à partir de combien de livres lus, une liseuse compense-t-elle son empreinte écologique ? Quel est le fameux point de bascule ? 10, 100, 1000 ?

Il existe de nombreuses études sur le sujet mais les résultats sont très variables, voire contradictoires, suivant le commanditaire de l’étude et les messages qu’il veut faire passer. Il n’est pas aisé de se faire une idée objective et précise, d’autant que nous devrons nous contenter de fourchettes très larges.

Pour établir une base de comparaison, prenons le nombre moyen annuel de livres lus par personne en France, soit 15. Et estimons la durée de vie présumée d’une liseuse à 3 ans.

Nous tenterons par la suite de comparer l’impact écologique entre 45 livres papier et 45 livres numériques, y compris sa liseuse, et ce, sur tout le cycle de vie.

Émissions de dioxyde de carbone

Suivant les études, la production et le transport d’un livre papier coûterait entre 1 et 7,5 kg en équivalent carbone, une liseuse, entre 130 et 250 kg. Si on se fie à ces chiffres, il faudrait donc entre 17 et 250 livres pour compenser le carbone d’une liseuse. Devant un tel grand écart, on se contentera de la médiane, soit environ 130 livres. On en déduira qu’un lecteur moyen ne compensera probablement jamais le carbone de sa liseuse, sauf s’il la garde plus de 10 ans, durée hautement improbable pour un appareil électronique. Seul un grand lecteur, avec 40 livres ou plus par an, a une chance d’y parvenir.

Pour un lecteur moyen, avantage au livre papier.

Consommation d’eau

En ce qui concerne l’eau douce, la fabrication d’un livre papier en consomme 27 litres. Pour 45 livres, il faut donc en consommer plus de 1200 litres. La fabrication d’une liseuse en consommerait moins d’un demi litre !

Avantage net pour le livre numérique, dès le premier livre.

Matière première

Bien que l’édition française ne représente que 5 % de la consommation nationale de papier, les plus gros consommateur étant l’emballage et la publicité, et qu’environ 85 % de la pâte à papier provient de forêts européennes certifiées gestion durable, la fabrication de papier participe de fait à la déforestation. Le livre papier a en outre besoin de produits chimiques dont les colles, le chlore, l’encre…

Côté liseuse, sans compter le plastique et donc le pétrole nécessaire pour sa coque, les batteries et les composants high-tech ont besoin de coltan, de lithium et de terres rares qui ont un lourd impact, à cause de l’exploitation minière, sur la déforestation et l’environnement.

Une liseuse nécessiterait environ 15 kg de minerais, un livre papier moins de 300 grammes, soit 13,5 kg pour 45 livres.

Égalité. Ni l’un ni l’autre ne sont vraiment convaincants.

À l’utilisation

Un livre papier a besoin de lumière pour être lu. La lumière naturelle le jour et une lumière artificielle, qui consomme de l’énergie, la nuit.

Une liseuse, avec sa faible consommation, pourrait faire illusion, mais c’est sans compter les centrales informatiques qui permettent le stockage et le téléchargement des fichiers numériques et qui sont très gourmandes en énergie.

En outre, un livre papier est beaucoup plus adapté aux aléas de la vie qu’une liseuse. On les fait chuter sur le carrelage pour le prouver ? Ou on fait déborder notre café dessus ?

La liseuse a cependant un atout énorme. Elle peut contenir des centaines de livres numériques. Pas besoin de s’encombrer le lourds ouvrages en papiers pour partir en week-end ou en vacances.

La balance est indécise. On dira égalité.

Durée de vie

Au niveau de la durée de vie, un livre papier soigneusement manipulé peut survivre plusieurs siècles. Son papier se ternira avec le temps mais restera lisible.

Une liseuse, elle, durera au grand maximum 10 ans et plus probablement 3 en moyenne. Sans compter l’incompatibilité des formats de fichier qui freinent les échanges, ni l’évolution vers de nouveaux standards qui incitent à acheter de nouveaux appareils.

Avantage livre papier.

Fin de vie – recyclage

Deux façons de finir sa vie. La première, la plus raisonnable, est le recyclage, pour alimenter à nouveau en matière première le cycle de production. Quand un livre ne trouve plus de lecteur, n’a plus d’intérêt dans une bibliothèque, son recyclage est une nécessité. Une tonne de papier recyclé, c’est 17 arbres épargnés, sachant qu’une feuille de papier peut être recyclée jusqu’à cinq fois.

En revanche, une liseuse en panne ou obsolète se recycle-t-elle ? Son plastique et ses matières rares sont une source potentielle de matière première trop peu exploitée aujourd’hui. Les filières de récupération existent, dans les déchetteries par exemple, mais on est loin du 100 % recyclé. C’est assurément un axe de progrès majeur pour les années à venir.

Avantage au livre papier, aujourd’hui en tout cas.

Fin de vie – décharge

La seconde façon de finir sa vie, c’est de dépérir dans une décharge. La décomposition d’un livre papier émet l’équivalent de deux fois le dioxyde de carbone nécessaire à sa fabrication, sans compter les produits chimiques, les encres et autres poisons qui finissent dans les nappes phréatiques. Une liseuse, affublées de ses plastiques et ses diverses substances toxiques, n’est pas mieux armées. Elle alimente le stock de déchets ultimes.

Égalité. Dans les deux cas, quel gâchis !

Peut-on conclure ? Le livre numérique est-il plus écologique que le livre papier ? En fait, il peut l’être, sous certaines conditions seulement. Car le livre papier a encore des atouts à lui opposer. La réponse n’est donc pas tranchée, on l’a vu. Chacun a ses avantages et ses inconvénients. Il n’y a pas de solution miracle d’un point de vue écologique. Dommage. Toutefois, de cette comparaison, bien que partielle et pas toujours précise, on peut tirer quelques tendances quasi certaines et très utiles.

Notamment, que ce soit pour un livre papier ou une liseuse, il est vital qu’ils soient recyclés en fin de vie. Sinon leurs fragiles avantages respectifs s’écroulent avec notre précieux environnement.

Le livre numérique est écologique si…

Le livre numérique est une solution qui se justifie écologiquement pour celui qui lit beaucoup, disons, pour donner une idée, plus de 40 livres par an. Pour réduire son empreinte écologique, il doit garder sa liseuse le plus longtemps possible, essayer de la réparer en cas de panne. Il peut aussi acheter sa liseuse d’occasion et surtout ne pas succomber aux sirènes du tout dernier modèle.

Pour le lecteur occasionnel, l’investissement dans une liseuse ne se justifie guère. Une piste écologique, bien que le confort de lecture ne soit pas le même, est d’utiliser son smartphone, sa tablette, son ordinateur, bref, tout appareil avec écran que l’on possède déjà. Le multiusage de ses appareils multimédia a des vertus que l’on néglige trop souvent.

Le livre papier est écologique si…

Un livre papier qui n’est lu qu’une fois est une aberration écologique, moins que les catalogues publicitaires qui finissent à la poubelle sans avoir été feuilleté une seule fois, mais quand même.

Le livre papier a l’avantage de pouvoir vivre plusieurs vies. Une fois lu, il peut être prêté, vendu, donné. En résumé, le livre papier, pour se dire écologique, doit circuler au maximum !

Avant d’acquérir un livre neuf, ayons le réflexe de demander à nos amis s’ils peuvent nous le prêter, de vérifier s’il n’est pas disponible à la médiathèque de sa commune, ou bien de l’acheter d’occasion.

Le livre papier « partagé » est sans doute aujourd’hui la solution la plus écologique.

À ce jour, les études comparatives entre le livre papier et le livre numérique ne sont pas décisives, ni définitives, mais elles ont au moins un bénéfice. Elles poussent les acteurs des deux filières à proposer des solutions plus écologiques. Davantage de respect envers les forêts, davantage de papier recyclé, des encres végétales pour les uns ; davantage de transparence, un meilleur recyclage, moins de consommation d’énergie, par exemple en exploitant l’énergie solaire, pour les autres. Les pistes de progrès existent. Il ne tient qu’à nous de les soutenir par nos choix en toute connaissance de cause.

Sources

Livre papier vs livre numérique : lequel est le plus écolo ?

Le numérique et le papier : le bilan écologique de nos supports de lecture

Ebook contre livre papier : quel est le plus écologique ?

Le livre papier, plus écolo que le livre numérique ?

Image Pixabay (papirontul)

3 réflexions au sujet de « Le livre numérique est-il plus écologique que le livre papier ? »

  1. 3 ans la durée de vie d’une liseuse? Sauf à la casser, sur le plan software, la liseuse évolue si peu qu’elle a peu de chances d’être rendue obsolète à ce titre. or c’est une des principales raison qui incitent à changer d’appareil numérique habituellement. Si une liseuse ne sert qu’à lire chez soi, et en voyage classique (trajet en voiture, en train… enfin pas dans un bateau qui prend l’eau), je ne vois pas raison pour que la liseuse ne dure pas 7, voire 10 ans. La liseuse de mon beau-père a 7 ans. Certes, il ne s’en sert plus actuellement, mais elle est sûre de marcher à chaque usage. A mon avis, c’est l’un des avantages d’un liseuse, la durée. Donc déjà, son argument écologique me parait à rehausser de ce côté là. Certes il peut y avoir l’obsolescence, dans le sens où certains nouveaux modèles sont plus attractifs. Mais, ça c’est la responsabilité de chacun. Pour ma part, n’étant pas convaincu par le caractère mon-tâche des liseuses, j’ai attendu environ 10 ans et je viens de m’acheter une liseuse android assez évoluée. A part l’arrivée de la couleur en 2021 (dont je peux me passer), elle n’est pas prête d’être dépassée, surtout si on la compare aux classiques du marché.

  2. Un point que je n’ai pas vu mentionné et qui parle en faveur du livre papier, c’est le stockage du carbone. La construction en bois de maisons, de meubles, etc. ne participe pas à la déforestation. La déforestation est une gestion court terme de la matière première, ou une conséquence de la recherche de surface de terres arables à cultiver, ou de place pour construire des logements. La déforestation ne prends pas en compte le but du bois: chauffage, papier, construction, emballages jetables,… , mais la façon de faire. On peut faire tout cela bien, en gérant les forêts comme il faut, ou alors n’importe comment (même si on est d’accord, couper les arbres pour faire du papier pour imprimer des prospectus publicitaires dont le but est de finir à la poubelle reste une insanité !)
    Le stockage du carbone passe donc par les livres papiers. A ce propos, a-t-on une idée du nombre de livres qu’il existe dans le monde ? et donc du poids de carbone ainsi stocké ? bonne question…

    1. Bonne remarque !
      Après une petite recherche sur internet, j’ai trouvé qu’un kilogramme de papier séquestrerait 1,4 kg d’équivalent CO2. Pour un livre de 350 g, on obtiendrait donc environ 500 g de CO2 équivalent.
      Ce n’est pas négligeable, mais c’est malheureusement loin de compenser les 1 et 7,5 kg de CO2 nécessaires pour la production et le transport d’un livre.

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